top of page

 Chroniques écologiques des Deux-Sèvres

 

 

Coups d’œil de la presse locale sur les transitions environnementales dans les Deux-Sèvres

Novembre 2022-Mars 2023

Pierre Donadieu 1, La Maison des Mémoires, Louzy (79100)

05/04/23

 

28 mars 2023. Depuis presque 6 mois, je retiens dans la presse locale, essentiellement la Nouvelle République du Centre Ouest, et parfois le Courrier de l’Ouest, les articles qui me paraissent rendre compte des transitions environnementales dans le département que j’habite : les Deux-Sèvres.

Il s’agit d’analyser les choix des journalistes, les contenus des articles et les manières dont ils rendent compte des actions et des mutations en cours. Et ainsi d’en construire la mémoire collective.

Sous le terme générique de transitions environnementales, je réunis la transition climatique (lutter contre l’effet de serre, en réduisant ses causes autant que ses effets), la transition énergétique (trouver des alternatives décarbonées aux produits dérivés du pétrole et à leurs usages), et la transition écologique de biodiversité (vers des états à définir). S’y est ajoutée récemment la transition hydrologique (gouvernance des ressources en eau).

 

Plusieurs thématiques interdépendantes seront donc représentées, indiquant les choix des journalistes et ceux des acteurs politiques, économiques et associatifs. Les actions locales, plus ou moins territorialisées, ne sont pas indépendantes des actions régionales, nationales et internationales. Je ne les citerai à partir d’articles du journal Le Monde qu’en tant que contextes des actions et politiques locales.

 

1- Un gouvernement inactif ?

 

Commençons par donner « la température » du débat planétaire avec la résolution de l’ONU – « historique » écrit le Courrier de l’Ouest du 30 mars - de « donner un rôle à la justice internationale en matière d’« obligation « des États dans la lutte contre le réchauffement climatique. La France n’est-elle pas poursuivie depuis 2021 devant la Cour Européenne des droits de l’homme par le maire de Grande-Synthe pour « inaction climatique » ?

 

A l’échelle départementale, dans les Deux-Sèvres, peut-on constater une carence des services de l’État ? L’action sur l’origine du réchauffement (les gaz à effet de serre) est en cause, mais également la qualité de l’eau dans les rivières et les nappes (comme en Bretagne) polluées par des rejets azotés et des pesticides. Cette « inaction » législative, surtout juridique, financière et fiscale, concerne -t-elle tous les domaines des transitions environnementales au pays des « bassines » ?

 

2- L’eau, les Bassines, encore les Bassines…

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

 

 

 

 

 

 

            © NR Fin de la construction de la bassine de Mauzé-sur-le-Mignon, 27/12/21

 

Un tiers des 90 articles retenus concerne les « bassines » de la région niortaise à l’issu d’un été sec et caniculaire, puis d’un hiver déficitaire. Presque la moitié des articles, si on y associe ceux qui évoquent localement les effets destructeurs des sécheresses sur la pêche en rivière, le maraîchage, l’élevage et l’agriculture en général. La tension sociale sur les projets de bassines s’est accrue progressivement avec les premières manifestations suivies de procès de manifestants. La plus violente a eu lieu le 25 mars à Sainte-Soline, qui a fait les gros titres des médias nationaux et régionaux.

 

La plupart des articles donnent la parole autant à ceux qui contestent la privatisation d’un bien commun (l’eau raréfiée de la nappe phréatique) qu’aux agriculteurs qui ne peuvent se passer de ces réserves pour produire, dans leur entreprise, du fourrage, des céréales et des oléo-protéagineux. Les journalistes font entendre la voix des experts (le BRGM) et des contre-experts, qui surveillent le niveau des nappes. Celle également de la préfète qui autorise ou non le remplissage des « bassines ». En mars c’est surtout la violence de certains manifestants et policiers qui a fait les gros titres des journaux. Puis la suspicion qui a pesé sur les forces de l’ordre qui auraient bloqué l’intervention du SAMU pour évacuer des blessés graves.

 

Sur ce sujet le lecteur est placé au cœur de la complexité des transitions environnementales. Le réchauffement climatique, de plus en plus tangible, intensifie l’occurrence, la gravité et l’impact des sécheresses. Une partie du monde agricole de cette région (surtout des agroindustriels avec l’aide de l’État), qui ne peut produire sans eau, du fait du modèle intensif adopté, construit des réserves privatives à partir des nappes souterraines (dont l’eau juridiquement leur appartient : « la propriété emporte le dessus et le dessous de la surface possédée »). Selon les militants anti-bassines (« Bassines Non Merci »), soumis par ailleurs à des intimidations violentes, l’eau commune est puisée aux dépens d’autres biens communs (les poissons des rivières par exemple) qui profitent de moins en moins à tous.

Avec l’instance de discussion (la Coop de l’eau 79), la négociation est en cours pour une sortie difficile de crise : notamment la diminution du nombre de bassines prévues de 19 à 16. Ce qui est un pas vers un compromis, mais un pas seulement.

 

Les militants antibassines de la même manière que le journaliste Stéphane Foucart du Monde soulignent le parti pris de l’État pour l’agroindustrie conventionnelle dont les effets néfastes sur les sols et la biodiversité hypo et épigée ne sont plus pourtant à démontrer. Dans le futur plan eau, encore imprécis, il parait difficile de faire passer la « mégabassine » de Sainte-Soline pour un équipement de sobriété !

Mais le droit (les décisions des juges) est inconstant sur le sujet selon les régions et la FNSEA (un lobby puissant) prévoit d’irriguer davantage en France, vignes comprises.

 

En bref, le gouvernement n’est pas inactif dans le Marais poitevin, mais a choisi de défendre, avec la légitimité souhaitable et la violence qui va avec, un camp conservateur fort d’un modèle agroindustriel international, largement contesté, et peu prometteur sinon de conflits sociaux. Il dépense beaucoup moins d’énergie pour promouvoir les chemins vertueux de l’agroécologie (agriculture « bio » de conservation, allongement des rotations de culture, réduction des pesticides, irrigation en goutte à goutte …). Heureusement les exploitants agricoles du département ne l’ont pas attendu pour s’y engager depuis au moins dix ans.

 

 

​

​

​

​

​

​

​

​

​

 

​

​

           

 

           ©NR La bassine de Mauzé-sur-le-Mignon est la seule remplie, 29/03/23

 

3-Biodiversités :  

Biodiversité : la bonne conscience des pouvoirs publics ?

 

            Dans les principaux médias des Deux-Sèvres, le thème de la biodiversité est un marronnier inépuisable. Ses facettes sont nombreuses. La plus visible est l’annonce des plantations de haies.

  

-  Les écoles plantent et replantent sans relâche des haies dans les campagnes et des microforêts dans et autour des agglomérations. Elles surgissent de terre à Echiré, Frontenay Rohan-Rohan, Saint-Varent, Louzy, Saint-Maixent, La Crêche, et bien d’autres communes encore. Partout où les remembrements du siècle dernier ont fait disparaitre les boisements linéaires qui limitaient les champs. Là où la végétation manque, surtout l’été dans les villes.

            On ne replante pas n’importe comment, ni n’importe où. On se fait conseiller par des techniciens, ceux de l’association « Bocage Pays Branché » et des associations de protection de la nature (DSNE, GOP) ou de cynégétique. On s’associe aux collectivités qui peuvent aider au financement, et plus généralement aux habitants.

A Saint-Symphorien, certains samedis sont dédiés à la biodiversité.

            Désormais, on plante de manière « diversifiée » des espèces spontanées de la région adaptées aux sols calcaires ou siliceux, secs ou humides. Finies les haies sinistres de résineux d’autrefois. L’aubépine, le prunellier et le merisier y fleurissent au printemps. Les petits mammifères et l’avifaune s’y réfugient.

 

-Là où, pendant l’été et l’automne, l’eau manque, dans les cours d’eau et les mares, les pêcheurs s’inquiètent pour la reproduction des poissons. Et là où des espèces sont menacées de disparition, on s’emploie à faciliter leur  reproduction. Ainsi pour l’oedicnème criard et l’outarde canepetière dans la plaine céréalière de Oiron avec l’aide des agriculteurs.

 

- Pour les collectivités, la biodiversité peut devenir un thème politique porteur justifiant l’existence d’un service dédié comme dans la communauté de communes du Thouarsais.

 

            Peu de jours donc où l’on ne parle pas, même discrètement, de biodiversité. Certes la biodiversité des associations de protection de la nature n’est pas celle des agriculteurs (on parle alors de biodiversité cultivée antithétique de la biodiversité spontanée). L’important est d’admettre que la diversité des milieux naturels et des cultures rend les territoires et leurs habitants plus résilients aux crises chroniques en cours. Ce que l’avenir devrait confirmer ou infirmer. Avec des indicateurs chargés de repérer l’efficacité des mesures réglementaires, celles qui protègent les espèces menacées, et permettent d’adapter les mondes agricoles et urbains au changement climatique.

 

            La restauration du maillage des haies en France n’est pas un scoop. Voilà au moins quarante ans que cette politique est en cours. Depuis 1950 2/3 des haies ont disparu. Des fonds publics permettent de les replanter mais moins vite qu’elles ne disparaissent. Leurs rôles écologique (la faune sauvage) et économique (la production de  bois, la limitation de l’érosion des sols, et le combat des ravageurs des cultures par les prédateurs naturels)  est bien connue, mais la mécanisation et l’agrandissement des parcelles ne laissent que peu de chances aux derniers maillages bocagers. Sauf chez les céréaliculteurs éclairés, et les plus progressistes des agriculteurs, convaincus des mérites de leur présence et des bienfaits des pratiques agroécologiques et agroforestières.

            Des philosophes comme Michel Serres (1985) ont déploré la disparition de « l’habit d’Arlequin de notre mère la Terre », et la perte de la délimitation des champs aux dépens du soin minutieux à leur apporter. Les scientifiques sonnent le tocsin, inlassablement. Mais rien n’y a fait. Aujourd’hui plus qu’hier, les agriculteurs rappellent, FNSEA en tête, leur mission de nourrir le monde qui en a et en aura encore plus besoin demain. Au prix des désastres environnementaux, et bien que les journalistes nourrissent l’opinion publique des enseignements des petits gestes locaux. De ceux qui tentent de pallier, de manière souvent dérisoire localement, les conséquences de la mécanisation et de l’intensification de la production agricole. 

 

            Le recours à l’argument de la biodiversité dans l’action publique reste surtout vertueux. Comme un principe moral de bonne conduite qui fournit un cadre rassurant aux politiques de l’Etat et des collectivités. Puisque les causes de l’érosion incontestable de la biodiversité (les pollutions urbaines et industrielles, les pesticides agricoles notamment) ont peu diminué en moyenne au cours des dernières années.

 

12 mai 2023.

​

1 Pierre Donadieu est professeur émérite de l’enseignement supérieur agronomique et membre émérite de l’Académie d’Agriculture de France. Il a créé à Louzy, près de Thouars (79100) la Maison des Mémoires.

Réserve.jpg
Réserve2.jpg
bottom of page